Your browser is outdated. Upgrade your browser for better user experience and security

L'homme vit aujourd’hui plus longtemps qu’à n’importe quelle époque de l’histoire. Toutefois, avec le temps, l’incidence des handicaps liés aux pertes de l’audition, de la vision et de la mobilité a augmenté, tout comme le risque de développer des maladies chroniques, notamment des troubles cardiovasculaires et des démences. Des preuves de l’association entre la perte auditive et les problèmes de santé s’accumulent, ouvrant la voie vers une prise en charge holistique des soins auditifs, centrée sur
la personne, qui s’inscrit dans une approche multidisciplinaire et qui favorise la santé et le bien-être général du patient.

La perte auditive est l’une des principales causes d’invalidité dont la prévalence augmente dramatiquement avec l’âge pour toucher plus de 80% des personnes âgées de 80 ans ou plus. La perte auditive entrave la communication et les interactions sociales, elle est associée à l’isolement social, à l’anxiété et à la dépression, ainsi qu’à une diminution de la qualité de vie. Toutefois, la baisse de l’audition chez les personnes âgées n’est pas nécessairement un processus dégénératif inévitable associé au vieillissement. Des possibilités d’intervention existent tout au long de la vie d’un individu.

Un article récemment publié dans la prestigieuse revue Journal Age and Ageing décrit les preuves de plus en plus nombreuses de l’interaction entre la fonction auditive et d’autres aspects de la santé. Ainsi, des données épidémiologiques montrent que, chez les personnes âgées, la perte auditive est associée de manière indépendante au déclin de la fonction physique. Par ailleurs, la perte auditive chez les personnes âgées est également un facteur de risque spécifique de chutes.

Le Dr David W. Maidment (Université de Loughborough, Royaume-Uni), premier auteur de l’article, explique que plusieurs théories ont été formulées pour expliquer l’association entre la perte auditive et la fonction physique. « La première théorie est celle de l’hypothèse de la réserve cognitive. La cognition est un ensemble de processus mentaux qui mettent en jeu la mémoire, le langage, la résolution de problèmes, le raisonnement, etc. Or, nous avons des limites à nos capacités mentales. En cas de perte auditive, les patients doivent traiter des sons qui se dégradent, ce qui les amène à utiliser de manière accrue leurs ressources cognitives et attentionnelles ; il en résulte qu’ils disposent de moins de ressources pour d’autres fonctions physiques telles que le contrôle postural et l’équilibre. Une seconde théorie est celle de l’hypothèse de la cascade sociale. Cette hypothèse suggère que les difficultés de communication rencontrées par les personnes malentendantes conduisent souvent à des phénomènes tels que l’isolement social, le retrait social, la solitude et la dépression. Enfin, un autre mécanisme implique le système vestibulaire, la perte auditive pourrait servir d’indicateur d’un dysfonctionnement vestibulaire qui entraîne un plus grand déséquilibre et des chutes.
 

Un médecin discute des causes et des conséquences de la perte auditive avec un patient âgé.

Perte auditive, déclin cognitif et démence

Selon les estimations du GBD 2019 Dementia Forecasting Collaborators, le nombre de personnes atteintes de démence au niveau mondial augmenterait de 57,4 millions en 2019 à 152,8 millions de cas en 2050. Cette croissance souligne notamment la nécessité d’intensifier les interventions visant à lutter contre les facteurs de risque modifiables.

Les facteurs de risque au début de la vie (éducation), au milieu de la vie (hypertension, obésité, perte auditive, lésions cérébrales traumatiques et abus d’alcool) et plus tard dans la vie (tabagisme, dépression, inactivité physique, isolement social, diabète et pollution atmosphérique) peuvent contribuer à augmenter le risque de démence. Une étude globale a révélé que la perte auditive était le plus important facteur de risque potentiellement modifiable de démence au milieu de la vie.

Les mécanismes sous-jacents à l’association entre la perte auditive et la démence sont similaires à ceux évoqués pour la perte auditive et la fonction physique, à savoir la réserve cognitive et la cascade sociale. Une autre explication serait que la perte auditive et le déclin cognitif partagent une pathologie sous-jacente commune, telle que le stress oxydatif ou l’inflammation chronique.
 

Perte auditive santé cardiovasculaire

 La perte auditive est également associée à diverses maladies chroniques, notamment les maladies cardiovasculaires et leurs facteurs de risque (par exemple, le diabète, l’hypertension, le tabagisme).

Ces associations peuvent probablement s’expliquer par des changements pathologiques dans la vascularisation de l’oreille interne. « La recherche scientifique nous apprend que ces liens sont probablement dus à des lésions des petits vaisseaux sanguins dans la cochlée, car celle-ci est très active sur le plan métabolique et dépend d’une très forte circulation sanguine pour fonctionner de manière optimale », explique Emily Urry (Sonova, Suisse), co-auteur de l’étude. « Les facteurs cardiovasculaires tels que le tabagisme et le diabète sont tous associés à l’inflammation et au stress oxydatif, qui peuvent également endommager directement la cochlée. Étant donné que les dommages causés par une mauvaise santé cardiovasculaire et métabolique se produisent progressivement au fil du temps, cet impact négatif s’accumule progressivement avec l’âge et peut donc en fait accélérer la perte auditive liée à l’âge et provoquer des maladies comorbides. »

Les auteurs soulignent que les audiologistes peuvent jouer un rôle-clé dans l’amélioration du bien-être physique de leurs clients. « L’une des principales recommandations est d’encourager la pratique régulière d’une activité physique, car elle atténue de nombreux problèmes de santé liés aux déficiences auditives. Elle améliore notre santé cardiovasculaire, notre santé mentale, notre santé cognitive et notre bien-être général. De plus, un aspect particulièrement pertinent pour les personnes âgées est que l’activité physique régulière aide à prévenir les blessures liées aux troubles de l’audition ainsi que le déclin des capacités fonctionnelles. Nous recommandons donc aux audiologistes d’encourager tous leurs clients à bouger régulièrement et en particulier à respecter les recommandations de l’organisation mondiale de la santé selon lesquelles tous les adultes devraient faire au moins 150 minutes ou deux heures et demie d’activité d’intensité modérée chaque semaine » explique Emily Urry.

Les nombreuses preuves l’association entre la perte auditive et les problèmes de santé ont amené les auteurs à formuler des recommandations pour un nouvel horizon dans les soins auditifs. « Ce que nous préconisons vraiment dans l’article, c’est que plusieurs disciplines collaborent, et nous savons que ce n’est pas facile. Nous savons qu’il y a eu des tentatives par le passé et nous savons qu’il faut faire face à des difficultés pour y parvenir. Mais ce qui nous semble vraiment important, c’est que le système soit coordonné, holistique et centré sur le patient », insiste David W. Maidment.

Pour atteindre cet objectif holistique, les audiologistes et les autres professionnels de la santé auditive doivent être conscients de l’éventail des conditions associées à la perte d’audition et être en mesure de faire des recommandations et d’orienter les patients vers les professionnels de la santé appropriés. De même, les professionnels de la santé qui ne sont pas formés à l’audiologie doivent être attentifs à l’audition de leurs patients, les dépister ou les orienter vers un spécialiste de l’audition, le cas échéant.

1. Maidment D. W. et al., New horizons in holistic, person-centred health promotion for hearing healthcare. 
Age and Ageing 2023; 52: 1 - 8
2.The connection between hearing loss and physical well-being. The Audiologist – A Phonak Podcast, June 2023
3. GBD 2019 (Global Burden of Disease) Dementia Forecasting Collaborators. Estimation of the global prevalence of dementia in 
2019 and forecasted prevalence in 2050: an analysis for the Global Burden of Disease Study 2019. Lancet Public Health 2022; 
7: e105–25
4. Livingston G, et al., Dementia prevention, intervention, and care: 2020 report of the Lancet Commission. The Lancet 2020; 
396 (10248): 413 - 446
 

Voyez également :