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Les poupées sourdes partent d’une idée toute simple : avoir quelqu’un qui nous ressemble, afin de se sentir moins seul et d’être plus fort.

Anne Vandebosch est assistante au centre auditif Lapperre, à Arlon. Passionnée par son travail depuis plus de 30 ans, elle est dynamique et s’investit énormément pour les patients. Voulant mettre ses connaissances au profit des parents d’enfants malentendants et leur apporter conseils, elle a rejoint un groupe Facebook.

Et puis, tout a commencé en mai 2020. « Sur ce groupe, il y avait une maman désemparée face à sa fille qui arrachait constamment ses appareils. Je me suis dit que la petite fille ne comprenait pas pourquoi elle devait porter des appareils. Après tout, sa maman n’en a pas, ses copains non plus… Comment faire comprendre à un tout-petit qu’il faut mettre quelque chose derrière ses oreilles alors qu’il ne voit personne comme lui » ? Lui vient alors une idée qui changera la vie de dizaines d’enfants : pourquoi ne pas appareiller la poupée ? « J’ai envoyé un message à la maman. Elle trouvait que c’était une bonne idée alors je lui ai envoyé des appareils factices qu’on avait prévu de jeter, et cela a fonctionné directement : la petite fille a réclamé ses appareils quand elle a vu sa poupée ». 

Les poupées sourdes partent d’une idée toute simple : avoir quelqu’un qui nous ressemble, afin de se sentir moins seul et d’être plus fort.

Le succès au rendez-vous ! 

C’est parti d’une simple demande, mais d’autres suivront très rapidement. « Après 6 ou 7 poupées appareillées, j’ai lancé mon propre groupe Facebook, le 21 juin 2020. Deux ans plus tard, il y a désormais près de 2.000 personnes sur le groupe ». Aujourd’hui, les poupées sourdes se retrouvent dans 15 pays différents et Anne a déjà effectué quelques 800 envois !  

Une histoire de cœur et d’entraide

Anne prépare gratuitement les appareils factices, qu’elle reçoit d’un peu partout, avec l’intervention de ses collègues, de parents et d’autres audioprothésistes. Une fois que les parents font une demande, ils doivent mesurer les dimensions de l’oreille du doudou et envoyer une photo de l’appareillage de l’enfant. « Pour des enfants de 5 ans et plus, la ressemblance avec leur propre appareil est très importante. C’est moins le cas avec les tout-petits ». Cependant, une oreille de poupée n’a pas la même taille qu’une oreille d’enfant, et la vraie difficulté réside dans le fait qu’il faut trouver des appareils factices de petite taille. « J’ai de faux appareils, mais ils sont comme les vrais… J’essaye de trouver les mêmes modèles, mais en plus petit… Une fois que j’ai toutes les infos, je fais une photo avec ce que je leur propose et, dès que j’obtiens leur accord, j’envoie les appareils factices par la poste. Par la suite, c’est aux parents de faire le collage. En fonction du type d’appareil et de l’âge de l’enfant, je leur conseille telle ou telle astuce. Il faut être particulièrement vigilant avec les plus jeunes enfants que l’appareil tienne bien afin qu’ils ne l’avalent pas ».

Au-delà de la famille 

Les poupées sourdes trouvent aussi leur place dans les écoles et les crèches, afin de montrer et expliquer aux autres enfants ce que sont les appareillages, ou pour préparer l’arrivée d’un enfant en classe. « Elles permettront aussi de changer le regard sur la surdité, de faire en sorte que les appareils ou implants soient un peu vus comme les ‘lunettes des oreilles’, que les enfants malentendants ne soient plus regardés bizarrement. » Anne reçoit également des demandes venant de logopèdes, orthophonistes, etc. Par exemple, le service psychologie de l’hôpital Necker à Paris vient d’acheter 5 poupées, pour les appareiller. 

Les poupées sourdes, quel impact ?

« Les bienfaits de ces poupées sont énormes. Non seulement, elles aident à accepter l’appareillage ou à appréhender une opération d’implant, mais surtout, elles procurent aux enfants un bonheur incroyable ». L’enfant se sent moins seul, avec son meilleur ami qui est comme lui. Ce qui est vu comme une différence devient une normalité, voire une force, et beaucoup d’enfants sont très fiers de leur poupée.

Si les poupées illuminent le quotidien des tout-petits, elles touchent également les parents. « J’ai eu dernièrement des demandes pour deux petits patients de 4 et 5 mois. Je me suis demandé si cela avait réellement de l’importance pour des enfants aussi jeunes ou si, surtout, cela ne faisait pas plutôt du bien aux parents. Leur reconnaissance est incroyable. On dirait qu’ils sont surpris qu’on s’intéresse à un enfant malentendant ».

« A l’avenir, tous les audiciens et audioprothésistes devraient demander aux enfants de venir avec leur doudou, et devraient appareiller les deux en même temps. C’est quelque chose de très important pour les enfants. Cela leur fait beaucoup de bien d’avoir un ami comme eux, et cela les aide à accepter l’appareillage plus facilement »

Et les implants ? 

Il existe des implants factices mais ils sont beaucoup trop grands pour les poupées. « Round3, une société de fabrication 3D, a accepté de me faire deux modèles d’implants 3D et les fabrique gratuitement, en différentes couleurs ». Ceux-ci sont en fécule de maïs, non toxiques en cas d’ingestion. « Généralement, les parents me contactent avant l’intervention. Comme ça, quand l’enfant a un bandeau sur la tête, on en met un aussi sur la poupée. Et, un mois plus tard, quand on appareille réellement l’enfant et qu’on met l’implant en route, on appareille simultanément la poupée. Cela les aide énormément ». 

dessin de Philippe Geluck, qui supporte pleinement cette initiative ! 

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