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L’incidence du cancer de l’oropharynx associé au HPV prend des allures d’épidémie. Pourquoi certaines personnes sont-elles sensibles à une infection persistante par le HPV et développent-elles un carcinome ?

Les cancers de la tête et du cou sont relativement fréquents.1 Selon les données du Registre Belge du Cancer, 2.766 cas ont été enregistrés en Belgique en 2019, dont 2.058 (74,4%) chez des hommes, et 708 (25,6%) chez des femmes.2
En Europe, le carcinome épidermoïde représente 91% des cas et s’observe principalement chez les hommes âgés de plus de 60 ans. Les facteurs de risque de ces cancers incluent l’exposition au tabac et la consommation élevée d’alcool, mais également certaines infections virales, notamment une infection chronique par le virus du papillome humain (HPV).1
L'épidémiologie des cancers de la tête et du cou a considérablement changé au cours des dernières décennies. Le HPV a entraîné une augmentation de l'incidence du cancer de l’oropharynx principalement dans les pays économiquement développés, et touche principalement des hommes de moins de 60 ans. 3,4
 

Cancer de l’oropharynx HPV+

Le cancer oropharyngé HPV+ est associé à une réduction du risque de décès et de récidive, et à un meilleur taux de survie sans progression de la maladie. Le profil du patient susceptible de développer un cancer de l’oropharynx HPV+ présente un certain nombre de différences par rapport au profil des patients atteints d’un cancer HPV-.5

Profil des patients susceptibles de développer un cancer de l’oropharynx HPV+ 5

  • Les patients HPV+ ont tendance à être plus jeunes (<60 ans), moins exposés au tabac et à l'alcool, et à avoir un statut socio-économique et une éducation plus élevés
  • La positivité au HPV est moins fréquente chez les Noirs que chez les Caucasiens (4% des cancers de la tête et du cou chez les Noirs contre 34% chez les Blancs)
  • L’incidence est trois fois plus élevée chez les hommes que chez les femmes
  • Risque accru associé au nombre de partenaires au cours de la vie :  relations sexuelles génitales avec ≥ 26 partenaires (OR : 3,1), et relations sexuelles orales avec ≥ 6 partenaires (OR : 3,4)
  • Le patient présente moins de comorbidités
     

Par ailleurs, carcinomes HPV+ présentent souvent des lésions primaires de petite taille, voire occultes, avec des bords bien définis et des métastases ganglionnaires kystiques, alors que les carcinomes HPV- présentent plus souvent des bords mal définis et un envahissement du muscle adjacent. 5
L'augmentation récente de l'incidence de cette maladie peut refléter les changements dans le comportement sexuel qui se sont produits au fil du temps dans les pays développés. 5
Il est possible qu'en plus de l'infection par le VPH, d'autres facteurs de risque ou de cofacteurs tels que la susceptibilité génétique, les facteurs nutritionnels, l'interaction tabac et alcool ou le microbiome jouent un rôle important dans l'apparition du cancer de l’oropharynx. 5
 

Microbiome et cancer

Le microbiote et son hôte forment un « super-organisme » complexe dans lequel les relations symbiotiques confèrent des avantages à l'hôte dans de nombreux aspects clés de la vie. Cependant, la recherche a montré que les déséquilibres du microbiome, qui peuvent résulter de changements environnementaux (infection, alimentation ou mode de vie), peuvent perturber cette relation symbiotique et favoriser la maladie, y compris le cancer. De plus en plus de preuves indiquent un rôle clé du microbiome bactérien dans la carcinogenèse. 6

Microbiome de la cavité buccale

La cavité buccale possède un microbiome unique composé de plus de 700 espèces connues et différentes zones de la cavité buccale sont colonisées par des espèces distinctes. De nombreuses espèces bactériennes présentes dans la cavité buccale sont impliquées dans l'inflammation chronique qui conduit au développement de la carcinogenèse buccale. Ainsi, Porphyromonas gingivalis et Fusobacterium nucleatum induisent la production de cytokines inflammatoires, la prolifération cellulaire, l'inhibition de l'apoptose, et la migration par le biais d'altérations génomiques des cellules hôtes. 7

Quels sont les facteurs du microbiome impliqués dans la carcinogenèse et le cancer induit par le HPV ? Bien que la plupart des infections à HPV se guérissent avec le temps, une infection persistante peut provoquer une instabilité du cycle cellulaire et conduire finalement à un cancer invasif. Néanmoins, la présence du HPV ne suffit pas, à elle seule, à entraîner la formation d'un cancer. Des facteurs propres à chaque site muqueux, tels que l'intégrité de la surface épithéliale, les sécrétions muqueuses, la régulation immunitaire et le microbiote local, jouent probablement un rôle dans la persistance du HPV et la progression vers le cancer.8
Depuis peu, la communauté scientifique commence à comprendre l'influence potentielle du microbiome sur la persistance virale, la réponse immunitaire, l'environnement muqueux de l'hôte et les traitements des cancers associés au HPV. Cependant, malgré les nombreuses études évaluant le microbiome dans les cancers de la cavité buccale (CCB) et le cancer de l’oropharynx (COP), la plupart d’entre elles ne précisent pas la positivité au HPV, ou se concentrent sur les cancers buccaux non liés au HPV. Les études portant sur les cancers de la cavité buccale et le cancer oropharyngé HPV+ sont résumés dans le tableau 1. 8
 

Tableau 1 : Résumé des articles traitant du microbiome et du cancer de la cavité buccale (CCB) ou oropharyngé (COP) associé au HPV

Auteur

Sujets

Bactéries-clés

Guerrero-Preston 9,10

  • COP HPV+ (n = 7)
  • COP HPV− (n = 4)
  • CCB HPV (n = 6)
  • Contrôle (n = 25)
  • Gemella, Leuconostoc,
  • Streptococcus, Dialister,
  • Veillonella, L. gasseri/L.
  • johnsonii, L. vaginalis,
  • Fusobacterium

Principaux résultats

  • Diminution de la richesse et de la diversité observée dans les échantillons de tumeurs CCB et COP par rapport aux témoins.
  • Les patients d'une analyse longitudinale o[DC1] [CV2] nt montré une diminution de la diversité alpha après chirurgie, avec une éventuelle augmentation pour patients qui ont récidivé.
  • La détermination au niveau des espèces a révélé un enrichissement de L. gasseri, L. johnsonii, L. vaginalis, et F. nucleatum dans les échantillons de tumeurs.

Lim 11

  • CCB/COP
  • HPV+ (n = 31)
  • OCC/OPC
  • HPV(n = 21)
  • Contrôle (n = 20)
  • Risk control (n = 10)
  • Rothia, Corynebacterium,
  • Paludibacter, Porphyromonas,
  • Capnocytophaga, Haemophilus,
  • Gemella

Principaux résultats

  • Diminution de la diversité alpha dans le CCB et COP par rapport aux témoins.
  • Les patients atteints de CCB ou de COP partagent des tendances uniques d'abondance relative de bactéries spécifiques par rapport aux témoins.

Les patients atteints de CCB ou de COP positifs au HPV présentent des profils de microbiome oral distincts de ceux des témoins sains et des patients atteints de CCB ou de COP négatifs au HPV, ce qui suggère que la présence du HPV influence la composition du microbiome oral. 8
Le séquençage de l'ARNr 16S sur des échantillons de salive et de rinçage buccal de patients atteints de CCB ou de COP a révélé une diminution de la richesse et de la diversité bactérienne par rapport aux témoins. Cette diminution de la diversité est opposée à celle des patientes atteintes du col de l'utérus et suggère que quelques bactéries dominantes et pathogènes peuvent influencer la persistance du HPV et la carcinogenèse dans l'environnement oral. 8
Il est intéressant de noter que les Lactobacillus spp ont été associés de manière significative aux échantillons de salive de patients atteints de COP HPV+. La découverte de Lactobacillus dans le microbiome oral de ces échantillons n'est pas bien comprise, car Lactobacillus a généralement un rôle protecteur. Il a été suggéré que ces espèces vaginales normalement commensales auraient pu être transférées à la flore buccale lors de rapports sexuels oraux. 8
 

Directions futures


Les genres spécifiques retrouvés dans le microbiome oral des patients atteints de cancer oral ou de cancer de l’oropharynx HPV+, tels que Gemella ou Leuconostoc et, de manière inattendue, Lactobacillus spp constituent un point de départ intéressant pour de futures recherches.8
Les modifications des communautés microbiennes commensales orales peuvent être utilisées comme outil de diagnostic pour détecter le carcinome épidermoïde oral. Pour développer des approches thérapeutiques très précises et efficaces, l'identification de microbiomes oraux spécifiques peut s'avérer nécessaire.7
Enfin, des études longitudinales sont nécessaires pour fournir des informations sur les changements au sein du microbiome tout au long de la progression de la maladie, du traitement et du suivi.8
 

Références

1. Leroy R. et al., Indicateurs de qualité pour la prise en charge du cancer de la tête et du cou. KCE Report 305Bs, 2019

2. Registre du Cancer - https://kankerregister.org

3. Drake V. E. et al., Timing, Number, and Type of Sexual Partners Associated With Risk of Oropharyngeal Cancer. Cancer 2021 - DOI: 10.1002/cncr.33346

4. Chaturvedi A. K. et al., Worldwide Trends in Incidence Rates for Oral Cavity and Oropharyngeal Cancers. Journal of Clinical Oncology 2013; 31 (36) - https://ascopubs.org/doi/full/10.1200/JCO.2013.50.3870

5. Elrefaey S. et al., HPV in oropharyngeal cancer: the basics to know in clinical practice. Acta Otorhinolaryngol Ital. 2014; 34(5): 299-309 

6. Schwabe R.F. et Jobin C. The microbiome and cancer. Nat Rev Cancer. 2013;13(11):800-12 -  https://dx.doi.org/10.1038%2Fnrc3610

7. Chattopadhyay I. et al., Role of Oral Microbiome Signatures in Diagnosis and Prognosis of Oral Cancer. Technology in Cancer Research & Treatment 2019; 18: 1-19 - https://doi.org/10.1177/1533033819867354

8. Lin D. et al., Microbiome factors in HPV-driven carcinogenesis and cancers. PLOS Pathogens 2020 - https://doi.org/10.1371/journal.ppat.1008524

9. Guerrero-Preston R. et al., 16S rRNA amplicon sequencing identifies microbiota associated with oral cancer, human papilloma virus infection and surgical treatment. Oncotarget 2016; 7: 51320–51334 - https://doi.org/10.18632/oncotarget.9710 

10. Guerrero-Preston R. et al., High-resolution microbiome profiling uncovers Fusobacterium nucleatum, Lactobacillus gasseri/johnsonii, and Lactobacillus vaginalis associated to oral and oropharyngeal cancer in saliva from HPV positive and HPV negative patients treated with surgery and chemo-radiation. Oncotarget 2017; 8: 110931-110948 -  https://doi.org/10.18632/oncotarget.20677

11. Lim Y. et al., The Performance of an Oral Microbiome Biomarker Panel in Predicting Oral Cavity and Oropharyngeal Cancers. Front Cell Infect Microbiol. 2018; 8: 267 - https://doi.org/10.3389

Voyez également :