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Comment augmenter le taux de vaccination et diminuer l’incidence du cancer de l’oropharynx associé au papillomavirus humain (HPV) aujourd’hui dans nos pays ? Un travail en profondeur a été mené au travers d’une étude pour essayer de répondre au mieux à cette question. Etat des lieux.
Ces dernières années, la récente augmentation du carcinome épidermoïde de l’oropharynx a été presque entièrement imputée au papillomavirus humain (HPV). Aujourd’hui, les otorhinolaryngologistes estiment qu'il est possible, par des actions précises, d’augmenter les taux de vaccination et de diminuer l’incidence du cancer de l’oropharynx associé au HPV.
Alors que le carcinome épidermoïde oropharyngé (OPSCC, oropharyngeal squamous cell carcinoma) était principalement associé à la consommation de tabac, sa récente recrudescence est désormais presque entièrement imputée au HPV, qui se propage par contact sexuel. Aux États-Unis, on estime que 70 % de tous les cancers de l’oropharynx sont désormais associés au HPV.
En 2022, un groupe de six chercheurs a présenté un plan pour réduire cette incidence. Le docteur Zain Rizvi, MD, otorhinolaryngologiste et chirurgien de la tête et du cou à UW Medicine à Seattle, Washington, reconnaît qu'il s’agit d’un problème de santé publique et souligne que la vaccination donne des résultats très prometteurs. Selon lui, la recherche doit permettre de renforcer les liens entre la vaccination et la diminution du cancer du col de l’utérus associé au HPV.
Pour tenir cette promesse, il faudra surmonter la faible connaissance du lien viral avec l’OPSCC, le manque d’accès aux soins de santé de routine, les taux de vaccination contre le HPV inférieurs à la moyenne et l’augmentation de la désinformation qui alimentent une augmentation de l’hésitation à la vaccination.
A titre d’exemple, la vaccination contre le HPV est désormais recommandée à tous les Américains jusqu’à l’âge de 45 ans. Toutefois, les taux restent bien en deçà des objectifs fixés, puisque seulement 55 à 60 % environ des adolescents sont complètement vaccinés. Une analyse du « Center for Disease Control and Prevention » a révélé que les taux d’hésitation à la vaccination sont restés stables entre 2012 et 2020, mais que la proportion de parents qui ont cité « la sécurité ou les effets secondaires » pour expliquer leur hésitation, a considérablement augmenté. Cette tendance aurait été accélérée par la pandémie de COVID-19.
« Pour diminuer cet impact, l’une des meilleures solutions reste le dialogue avec le patient sur la sécurité et les avantages de la vaccination avant que la désinformation ne se propage », explique le Dr Rizvi. « De cette façon, les premières informations reçues par le patient sont scientifiques et fondées sur des preuves. » Cette discussion n’est toutefois possible que si le patient a accès aux soins de santé.
Cet accès est sans doute le premier obstacle majeur à la prévention. « Le premier obstacle à la vaccination contre le HPV est le manque d’endroits où aller pour obtenir des soins de santé », souligne le Dr Christina Bell, MD, du Womack Army Medical Center à Fort Bragg, en Caroline du Nord.
Certains pensent qu’il s’agit d’un vaccin destiné à prévenir les maladies sexuellement transmissibles. Le public est très peu conscient du fait que ce vaccin prévient le cancer
Comment améliorer la prévention dans ce contexte ? La réponse pourrait venir du Rwanda. Dans ce pays, par exemple, la couverture vaccinale dépasse les 80 à 90 % grâce aux nombreuses campagnes de vaccination en milieu scolaire menées ces dernières années. Les experts estiment d’ailleurs que le Rwanda, avec l’Australie, pourrait être l’un des premiers pays à éliminer le cancer du col de l’utérus.
« Il existe une corrélation directe entre le nombre de personnes vaccinées contre le HPV et la réduction des cancers de la tête et du cou associés au HPV. Plus le taux de vaccination est élevé, moins il y a de cancers », affirme le Dr Benjamin Judson, MD, chef du service d’oto-rhino-laryngologie au centre médical de l’Université de Yale à New Haven, dans le Connecticut. Pour lui, la vaccination précoce est essentielle à la prévention en raison de la latence, qui peut durer des décennies.
Il note également que le rôle du vaccin n’est pas toujours bien compris par le public : « Certains pensent qu’il s’agit d’un vaccin destiné à prévenir les maladies sexuellement transmissibles. Le public est très peu conscient du fait que ce vaccin prévient le cancer. »
La sensibilisation du public au lien entre le HPV et les cancers de la tête et du cou est encore insuffisante. Moins d’un tiers des adultes interrogés connaissaient ce lien.
Pour corroborer cette réflexion, lors de la Conférence internationale sur le cancer de la tête et du cou de l’American Head & Neck Society, l’équipe du Dr Judson a réalisé une étude en interrogeant les patients avant et après une visite de routine à la clinique d’oto-rhino-laryngologie. Chaque patient avait d’abord reçu un document sur l’exposition au HPV, son association avec le cancer de l’oropharynx, et la capacité de la vaccination à prévenir l’infection au HPV et les cancers ultérieurs. Lors de la consultation, l’oto-rhino-laryngologiste avait posé quelques questions sur le statut vaccinal des patients et répondu à leurs interrogations. Les questionnaires pré- et post-intervention ont révélé que les connaissances et les attitudes des patients envers la vaccination s’étaient considérablement améliorées : ils étaient nettement plus nombreux à considérer le vaccin comme sûr. Les patients ont également déclaré qu’ils étaient susceptibles de se faire vacciner eux-mêmes et de faire vacciner leurs enfants contre le HPV.
Les médecins ORL peuvent donc jouer un rôle majeur dans la prévention et la sensibilisation, allant bien au-delà de la prévention des infections sexuellement transmissibles pour les hommes et les femmes, en empêchant la propagation du HPV. « Je pense qu’il est plus facile pour nous de décrire le lien entre la vaccination et la prévention du cancer parce que nous sommes des oto-rhino-laryngologistes et que nous connaissons très bien ce lien », explique le Dr Judson. Il reste toutefois conscient de la difficulté de faire passer ce message au public. Le Dr Rizvi rappelle que « comme pour le tabagisme, le fait de ne pas fumer réduit le risque de devoir consulter un spécialiste ; pour le patient, le meilleur traitement consiste toujours à ne jamais devoir rencontrer un spécialiste. » Il insiste donc sur l’importance de la prévention pour éviter le risque de cancer de la tête et du cou.
1. https://acsjournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/cncy.22755