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La myocardite est une complication potentiellement grave de la pharyngite et de l’amygdalite à streptocoques du groupe A. Au travers d’une revue de la littérature, une équipe autrichienne fait le point sur cette maladie.2

Streptococcus pyogenes, ou streptocoque du groupe A, est un agent pathogène très répandu, responsable chaque année de plus de 500.000 décès. La pharyngite aiguë est la plus commune de toutes les conditions cliniques dues à S. pyogenes. Le spectre clinique de cette bactérie est large et comprend également des maladies graves telles que le rhumatisme articulaire aigu, qui peut être associé au développement d’une myocardite.1 En 1947, Gore et Saphir ont décrit pour la première fois des patients ayant développé une myocardite après une pharyngite ou une amygdalite sans preuve de rhumatisme articulaire aigu sous-jacent. Ils ont appelé cette forme de la maladie « myocardite non rhumatismale ». Par la suite, de nombreux cas de myocardite non rhumatismale ont été rapportés dans la littérature.1,2

La myocardite est une complication potentiellement grave de la pharyngite et de l’amygdalite à streptocoques du groupe A. Au travers d’une revue de la littérature, une équipe autrichienne fait le point sur cette maladie.2

Le rhumatisme articulaire aigu (RAA) se développe deux à quatre semaines après l’infection initiale. Bien que sa physiopathologie ne soit pas entièrement comprise, il semble que l’auto-immunité joue un rôle-clé. Contrairement au RAA, la myocardite non rhumatismale consécutive à une pharyngite ou à une amygdalite se manifeste plus rapidement, généralement quelques jours après l’infection, et serait causée par des toxines streptococciques.2

Des chercheurs de l’Université de médecine Paracelsus, à Salzbourg, en Autriche, ont effectué une revue systématique de la littérature afin d’identifier les modifications spécifiques de l’ECG, les paramètres de laboratoire, les signes et les symptômes associés à la myocardite non rhumatismale. Parmi les 25 études incluses dans cette revue, les chercheurs ont identifié 70 patients atteints de myocardite après une infection de la gorge à streptocoques du groupe A, dont 66 (94,3%) de sexe masculin. Le patient le plus jeune était une fillette de six ans, tandis que le patient le plus âgé était une femme de 62 ans.2

ÉTUDE DE CAS
Homme de 19 ans atteint d’amygdalite à streptocoques et de myocardite2

  • Le patient présentait divers symptômes : forte fièvre (jusqu’à 40°C), mal de gorge, toux et lymphadénopathie cervicale. Son médecin généraliste a effectué un prélèvement qui s’est révélé positif pour S. pyogenes, et lui a prescrit un traitement antibiotique. 
  • Le lendemain, le patient s’est présenté aux urgences avec pour plainte principale une douleur thoracique aiguë.
  • L’ECG a révélé des élévations du segment ST dans les dérivations II, III, aVF, et V4-V6, et les enzymes cardiaques étaient significativement élevées. Le patient a été admis dans l’unité de soins intensifs pour une surveillance continue. 
  • L’échocardiographie n’a révélé aucune anomalie. 
  • L’IRM cardiaque a montré un rehaussement tardif sous-épicardique dans la zone de l’apex ainsi que de la paroi antérolatérale apicale et médiane du ventricule, et de la paroi postérieure adjacente. Il y avait également un léger rehaussement tardif péricardique suggérant une atteinte péricardique. En outre, une hypokinésie apicale et médio-ventriculaire modérée, ainsi qu’une dilatation discrète du ventricule gauche sont apparues à l’IRM. 
  • L’enregistrement Holter de 24 heures n’a pas mis en évidence des arythmies ventriculaires significatives.
  • Le patient a quitté l’hôpital une semaine après son admission. Une deuxième IRM du cœur, cinq mois plus tard, a indiqué une diminution du rehaussement tardif du myocarde et du péricarde. Une autre IRM a été réalisée presque 3 ans après la présentation initiale et a montré des zones de cicatrisation plus nettes par rapport à la deuxième IRM. 

 

Caractéristiques cliniques

La douleur thoracique était le symptôme le plus fréquent (77,1% des patients). La dyspnée n’a été observée que chez 11,4% des patients, un pourcentage faible qui pourrait s’expliquer par le fait que certaines études incluses dans la revue ne se sont pas intéressées aux caractéristiques cliniques. A noter également que seulement 1,4% des patients ont eu des palpitations. Les autres symptômes incluaient une faiblesse sévère, une diaphorèse, des vertiges, des nausées, une gêne épigastrique et des vomissements. En outre, deux patients (2,9%) ont présenté une syncope.2 

Dans l’étude de Gore et Saphir3, également incluse dans la revue, les auteurs ont rapporté une cyanose (n =5), une dyspnée ou une orthopnée (n=5), des arythmies (n=3), une respiration de Cheyne-Stokes (n=1), une bronchopneumonie (n=7), un œdème pulmonaire (n=3) et un épanchement séreux (n=6). Enfin, six des 70 patients (8,6%) sont décédés.2

Résultats de l’ECG et marqueurs cardiaques

Une élévation du segment ST a été observée chez 33 patients (47,1%). D’autres anomalies ont pu être observées sur l’ECG, notamment des inversions d’ondes T. Les chercheurs ont été surpris d‘observer chez deux patients des ondes T biphasiques, qui peuvent parfois être observées en cas d’altérations ischémiques, dans le syndrome de Wellens et dans la péricardite, mais qui ne sont pas typiques de la myocardite. Par ailleurs, des modifications non spécifiques du segment ST ont également été décrites, et celles-ci sont plutôt considérées comme une anomalie ECG typique de la myocardite virale.2

Dans l’ensemble, les enzymes cardiaques étaient élevées chez la plupart des patients, seuls 10 patients (14,3%) présentant des taux normaux de ces biomarqueurs. Ces résultats contrastent avec les observations faites par une équipe américaine qui a montré que les valeurs de créatine kinase MB (CK-MB) et de troponine I n’étaient élevés que, respectivement, chez 6% (n=3) et 34% (n=18) des 53 patients chez qui une myocardite avait été diagnostiquée.4 Ces résultats pourraient suggérer une importance accrue des enzymes cardiaques dans la myocardite streptococcique après une infection de la gorge, comparativement à la myocardite causée par d’autres étiologies. Néanmoins, les auteurs signalent qu’un biais de sélection ne pouvant pas être exclu, une étude observationnelle sur cet aspect serait justifiée.2

Echocardiographie transthoracique2

En général, l’utilité de l’échocardiographie dans la myocardite est limitée, car la principale raison de faire appel à cet outil diagnostique est de rechercher des preuves d’insuffisance cardiaque.

Dans cette revue, les patients présentaient un large éventail de résultats échocardiographiques, notamment des anomalies régionales (21,4%) et globales (2,9%) du mouvement de la paroi, une diminution de la fraction d’éjection ventriculaire gauche (10%), un épanchement péricardique (7,1%) et une régurgitation mitrale modérée (1,4%). Le patient qui présentait une insuffisance modérée de la valve mitrale avait du tissu valvulaire mitral accessoire ; toutefois, cette constatation n’était apparemment pas associée à une myocardite aiguë chez ce patient.

Imagerie par résonance magnétique cardiaque (IRM)2

Lors de l’IRM, 25 patients (35,7%) ont présenté un rehaussement tardif au gadolinium, tandis qu’un rehaussement précoce a pu être observé chez 16 patients (22,9%). Un œdème myocardique était présent chez 20 sujets (28,6%). Le rehaussement a été décrit comme sous-épicardique dans 10 cas (14,3%) et comme transmural chez un individu (1,4%). 

Le segment myocardique le plus fréquemment touché était la paroi latérale (24,3%), suivi par les régions septale (15,7%) et apicale (15,7%). Le segment le moins fréquemment touché était la paroi antérieure (1,4%). Le segment concerné n’a pas été décrit chez neuf patients. 

Les auteurs soulignent que, « La myocardite après une pharyngite et/ou une amygdalite streptococcique est une maladie assez rarement décrite. Cependant, il est nécessaire de la prendre en compte (…) car elle peut être associée à des effets indésirables graves pour le patient ». 

Ils concluent que, « Les médecins doivent être attentifs à cette complication potentiellement grave de la pharyngite à streptocoques du groupe A, en particulier si un patient développe une douleur thoracique simultanément ou quelques jours après une pharyngite ou une amygdalite à streptocoques ». 

 

1. Anderson J. et al., Immune signature of acute pharyngitis in a Streptococcus pyogenes human challenge trial. Nature Communications 2022, 13: 769

2. Schmutzler L. et al., From Streptococcal Pharyngitis/Tonsillitis to Myocarditis: A Systematic Review. Journal of Cardiovascular Development and Disease 2022; 9: 170

3. Gore I., Saphir O. Myocarditis Associated with Acute Nasopharyngitis and Acute Tonsillitis. Am. Heart J. 1947;34:831–851. doi: 10.1016/0002-8703(47)90148-8.

4. Smith S.C. et al., Elevations of Cardiac Troponin I Associated with Myocarditis. Experimental and Clinical Correlates. Circulation 1997; 95: 163–168

Voyez également :